Entrer dans la nuit comme on se déshabille, calmement, sans effort, dans le noir qui s’agite, scintille, commence à éclairer.
Sentir l’espace et dans l’immobilité l’expansion des recoins.
Voir par contact, par absorption, par imprégnation, en osmose inverse.
Capter des bribes du réel vibrant, des séquences d’ondes de forme, ses possibles, ses empêchements, des crispations, des déchirures.
Laisser le temps irriguer les présences ou les absences, la blancheur du papier, mon corps troublé, retourné comme un gant de Moebius. Le faisceau du pinceau, la bille du stylo répètent les gestes, trouvent peu à peu leur rythme, leur densité, leur humilité.
Penser à un art concave, qui se rétracte, aspire le grand dans sa simple dépression.
Inviter d’autres regards à l’insondable.
Naissance par les bords
de lui commence le paysage
trait sonore estompe estampe
gris diffus noir épais dense
les doigts composent l’oeil, les yeux
suivent
parcourent
témoigne de l’espace qui s’ouvre
traits empreintes
traits gravure
des falaises, des nuages naissent
en sont-ils ?
chemins vers, fenêtre de portière tronc d’arbre
digue chemins route les rapports d’échelles
se mêlent
comme je voudrais le voir faire
son geste !
je m’imagine qu’il pose les traits comme
le peintre chinois ses couleurs : d’un seul coup.
Tout est déjà sur le crayon
c’est le geste qui
figure.
Il y a du temps
beaucoup de temps autour
du dessin.
lui
est là
« d’un coup de crayon »
né d’une extrême lenteur dans la vitesse.
Dans ses lavis aussi
estampes japonaises
dans ce qu’elles, si nous restons à les regarder,
se mettent en mouvement
organiques ondées orées
la surface laisse passer la profondeur
vision d’enfant
proche, yeux microscopes curieux
sondent
infiniment proche
infiniment profond
riche de liaisons au monde.
Paul Anders, Marseille, Juin 2014